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Par Vincent Séguéla, secrétaire général de la Fédération Léo Lagrange
Le temps de l’enfant ne se limite pas à l’école. Entre rythmes scolaires incohérents et inégalités d’accès aux activités périscolaires, la France tarde à réformer. Le rapport de la Cour des comptes appelle à une vision éducative plus globale et transversale.
La convention citoyenne qui s’ouvre sur les temps de l’enfant est une belle promesse. Une chance à saisir pour faire évoluer notre regard sur l’éducation, à condition de sortir des cloisonnements habituels. Car l’éducation d’un enfant ne se joue pas seulement à l’école. Elle se construit partout : dans la famille, dans les activités sportives ou culturelles, dans les temps libres, les engagements associatifs, les trajets du quotidien. Ces moments comme ces lieux, parfois invisibles, sont essentiels à son développement. Ces temps forment une réelle continuité, et autant d’espaces d’apprentissage essentiels au développement de l’enfant.
Il est temps de reconnaître cette réalité : le temps de l’enfant ne se découpe pas en silos. Il est intimement lié à celui des familles, des professionnels, des territoires. Pourtant, aujourd’hui encore, les politiques publiques de l’enfance se construisent trop souvent à partir des contraintes des adultes, sans vision globale, ni transversalité.
Le récent rapport de la Cour des comptes sur l’école primaire en est un témoignage clair. Il pointe notamment l’incohérence entre les rythmes scolaires en France et les connaissances en chronobiologie de l’enfant. Avec une semaine sur quatre jours, nos écoliers subissent des journées parmi les plus longues d’Europe. Résultat : des inégalités qui se creusent, une réussite scolaire en tension.
La Cour déplore aussi l’absence de stratégie éducative globale. Elle appelle à mieux articuler les activités scolaires, périscolaires et extrascolaires. C’est un encouragement à créer une réelle complémentarité éducative entre tous les acteurs : enseignants, animateurs, collectivités, familles, associations. Ce « village » éducatif existe. Il convient maintenant de le reconnaître, le structurer, le soutenir.
Oui, les compétences et les approches diffèrent. Mais loin de s’opposer, elles se complètent et se renforcent. Car les besoins sont là : une journée d’enfant, ce n’est pas qu’un temps d’apprentissages formels. C’est aussi du jeu, de la détente, des moments de respiration et de lien, indispensables pour grandir, apprendre à vivre avec soi et avec les autres. Assurer les transitions entre ces différents temps et, de manière générale, entre les phases et âges de la vie. Le rapport sur les 1000 premiers jours l’a montré : tout commence très tôt.
C’est pourquoi la Fédération Léo Lagrange propose de généraliser les projets éducatifs de territoire (PEDT), véritable outil de partage et de coordination encore trop peu mobilisé et affaibli par la suppression du fonds de soutien aux activités périscolaires.
C’est aussi pourquoi nous appelons à un débat de fond sur le temps libre : non pas comme un vide, mais comme un levier d’émancipation, d’inclusion, de développement personnel. Cela suppose une offre culturelle, sportive, artistique, citoyenne de qualité et accessible à tous.
Dès 1936, Léo Lagrange affirmait cette ambition avec la création des congés payés, véritable conquête sociale. À l’heure des réseaux sociaux, de la sédentarité préoccupante des jeunes, des inégalités dans l’accès aux loisirs et aux vacances, tout reste encore à construire. Les associations d’éducation populaire, fortes de leurs expertises, ont un rôle essentiel à jouer.
Penser les temps de l’enfant n’est pas juste une affaire d’emploi du temps. C’est une question de justice sociale, de santé publique, d’émancipation, de vivre ensemble.
Pour le sociologue François Dubet, « on attend tout de l’école, elle ne peut que décevoir. » Alors donnons-lui des partenaires éducatifs solides. Redonnons de l’espace au temps libéré. Pensons l’éducation comme un tout. Mobilisons tout ce village nécessaire pour élever un enfant.