Le 10 octobre dernier, la Fédération Léo Lagrange a ouvert le premier chapitre d’un nouveau cycle de webinaires consacré à la rédaction de son futur projet éducatif. Co-animé par Corinne Bord, première vice-présidente, et Benjamin Mauduit, responsable du plaidoyer et des relations extérieures, ce premier rendez-vous en ligne a réuni salarié·es, bénévoles, adhérent·es et curieux·ses autour d’un thème universel : trouver sa place de parent.
« L’idée, explique Corinne Bord, c’est de pouvoir identifier ce qui fait la singularité et la pertinence de Léo Lagrange, cette approche à 360° de la personne dans son environnement. » Ce premier temps d’échange, ouvert à toutes et tous, invitait à croiser les regards entre éducation populaire et psychologie autour d’un thème universel : trouver sa place de parent.
Un dialogue entre psychologie et éducation populaire
Invité de ce premier webinaire, Laurent Jaudon, psychologue et cinéaste, a proposé une approche originale de la parentalité inspirée de la thérapie des schémas et de la psychologie positive. Son propos, à la fois concret et sensible, a résonné avec les valeurs de l’éducation populaire : apprendre ensemble, réparer, se transformer.
« Mon rôle, c’est d’aider les parents à développer un mode adulte sain et un mode enfant heureux. […] Être parent, c’est apprendre à réparer, parce que le réel ne marche jamais » a-t-il résumé, avant d’introduire une règle simple sur laquelle il base ses accompagnements : « moins de validation, plus de direction, et toujours une réparation. »
Cette idée traverse l’ensemble de son intervention : la parentalité n’est pas un rôle figé, mais un processus d’ajustement permanent, à la croisée du vécu personnel, du contexte social et du lien à l’enfant.
Les trois deuils de la parentalité
Pour Laurent Jaudon, devenir parent, c’est traverser trois deuils essentiels — trois passages intérieurs qui permettent de s’ajuster à la réalité, d’accepter l’imperfection et de trouver sa juste place.
- Le deuil des parents qu’on a eus
Il s’agit d’apprendre à regarder son histoire avec lucidité : conserver ce qui a construit, reconnaître ce qui a blessé, et se détacher des schémas hérités sans renier ses origines.
« On reste loyal à ses parents toute sa vie, mais il faut apprendre à détrôner cette loyauté pour se construire à son tour. »
Cette prise de distance émotionnelle permet de comprendre comment nos modèles parentaux influencent encore nos comportements d’adultes — et d’ouvrir la voie à une parentalité plus consciente.
- Le deuil du parent idéal qu’on rêvait d’être
Avant d’avoir des enfants, beaucoup s’imaginent disponibles, patients, à l’écoute. Puis vient la réalité : les nuits courtes, les désaccords, les frustrations, la culpabilité. Accepter de ne pas être parfait, c’est aussi reconnaître que la parentalité est un apprentissage en mouvement.
« On ne transmet pas ce qu’on dit, on transmet le costume qu’on nous a taillé », rappelle Laurent Jaudon.
Ce costume, chacun peut l’ajuster à sa mesure, plutôt que de vouloir tout recommencer à zéro.
- Le deuil de l’enfant idéal qu’on n’a pas eu
Chaque enfant est singulier, avec ses forces, ses fragilités, son rythme. Le parent doit renoncer à ses projections pour accueillir l’enfant réel, celui qu’il découvre jour après jour. Dans cette relation, chacun apprend de l’autre : le parent guide, mais il répare aussi, et souvent avec son enfant.
« C’est toujours plus simple de changer son identité que son comportement », souligne Laurent Jaudon.
Ces trois deuils ne sont pas des renoncements, mais des métamorphoses : ils ouvrent un espace de liberté et d’ajustement. Ils rejoignent la théorie de l’attachement, cette “poupée russe” qui relie l’adulte à l’enfant qu’il a été. De l’attachement sécure au désorganisé, chaque histoire familiale marque la manière dont on aime, dont on guide, dont on répare. En prendre conscience, c’est se donner la chance d’une parentalité apaisée, fondée sur la compréhension plutôt que sur la répétition.
La réparation, une passerelle vers l’éducation populaire
« C’est dans la réparation qu’on apprend à grandir ensemble », souligne Laurent Jaudon.
Une phrase qui fait écho à la philosophie éducative de notre Fédération, où la coéducation et la solidarité sont au cœur de l’action.
« Notre action éducative se positionne en complémentarité de l’accompagnement psychologique individuel, rappelait Corinne Bord. Nous mobilisons plusieurs acteurs, plusieurs espaces, qui se nourrissent et s’articulent. »
Cette vision de la coéducation – où parents, professionnel·les, institutions et associations partagent une responsabilité commune – rejoint la mission d’éducation populaire portée par notre mouvement : permettre à chacun·e de comprendre le monde, d’y agir et de s’y épanouir.
« La question de la réparation peut aussi se faire en dehors de la cellule familiale », répond Laurent Jaudon à une question posée par une participante au webinaire. Il ajoute : « dans l’éducation populaire, on aide aussi à réparer des jeunes qui ont été abîmés ailleurs. »
Nourrir la réflexion collective
Au-delà du sujet de la parentalité, ce webinaire marque le coup d’envoi d’un nouveau cycle de conversations démocratiques. Chaque mois, une personnalité viendra partager son regard sur un enjeu éducatif contemporain : « Ces interventions, souligne Benjamin Mauduit, nous apportent des lumières sur nos métiers et sur la manière dont nous accompagnons les publics, à tous les âges de la vie. »
Ce premier rendez-vous aura donc posé les bases d’une réflexion à la fois sensible et collective : comprendre les fragilités, valoriser les forces, et tisser du lien entre les dimensions psychologiques et sociales de l’éducation. Autant d’apports qui viendront nourrir, pas à pas, la rédaction du projet éducatif de la Fédération Léo Lagrange.
Prenez date dès maintenant pour notre prochain rendez-vous virtuel :
Vendredi 28 novembre de 17h30 à 19h, avec Bruno Robbes, professeur en sciences de l’éducation, pour un webinaire intitulé « Autorité et éducation : tenir le cadre pour libérer les possibles ? »




