Suivre une formation qualifiante en détention et accompagner dans leurs projets professionnels les personnes pendant leur temps d’incarcération, constitue l’une des missions des équipes de Léo Lagrange Formation. L’objectif : favoriser la réinsertion sociale et professionnelle des stagiaires. Nous donnons la parole à l’un d’entre eux, interviewé par Malika Lemaitre, responsable locale des formations, afin de recueillir son témoignage sur la formation qu’il a suivi et ses apports.
Edinson [le prénom a été modifié] 26 ans, est en détention depuis mars 2024. Il a intégré la formation CAP Boulangerie en septembre 2024 et a obtenu avec succès le CAP en juillet 2025. A ce jour, il est toujours en attente de son jugement. Il vient d’intégrer un poste de travail aux ateliers de production de la Maison d’Arrêt de Nantes (44).
Le CAP Boulangerie est une formation qualifiante qui se déroule chaque année de septembre à juillet. Elle offre 9 places, en mixité (de 0 à 3 femmes selon les années).
Le parcours est d’environ 780 heures, à raison de :
- 19.5 heures par semaine assurées par un formateur Léo Lagrange Formation
- 4.5 heures par semaine assurées par l’Éducation Nationale
Pourquoi avez-vous voulu suivre cette formation ?
J’en ai entendu parler positivement par d’anciens stagiaires. Cela m’a rendu curieux. C’est aussi parce que c’est la plus longue proposée à la Maison d’arrêt.
Et je vais être franc, je voulais montrer que je suis capable de m’impliquer et de faire une bonne détention afin d’avoir un bon dossier. C’est un moyen pour moi de faire mes preuves.
Je suis vraiment content d’avoir été retenu !
Quels étaient vos objectifs en intégrant ce dispositif ?
De réussir à avoir le diplôme, de me donner à fond et de finir premier de ma promo !
Comment s’est déroulée la formation pour vous ?
Bien. Nous avions des cours de pratique dans le labo boulangerie, des cours techniques en salle et des cours au scolaire.
Ce que j’ai préféré c’est la partie pratique au labo. Le 1er jour, j’ai eu des doutes sur mes capacités, je me suis dit que je n’allais peut-être pas y arriver. Puis le formateur m’a mis à l’aise et m’a rassuré. Je suis manuel et habile de mes mains, cela m’a aidé.
Je suis allé à l’école jusqu’en CE2. Ce n’était pas facile au début de reprendre les cours. J’ai dû faire de gros efforts.
Selon vous, qu’est ce qui est particulier dans le fait de suivre une formation en détention ?
Je ne sais pas trop car je n’ai jamais fait de formation à l’extérieur de la prison. D’ailleurs je ne me serais jamais intéressé à ce domaine à l’extérieur. Pour moi c’est du positif de pouvoir apprendre un métier ici. Mais il faut être déterminé et vouloir s’investir.
Et puis durant cette formation, nous avons eu de bons rapports avec le gradé de la zone formations/ateliers et les surveillants. C’était bien qu’on nous fasse confiance. Il y avait du respect entre nous.
Qu’est-ce que vous a apporté cette formation ?
Plein de bonnes choses !
Acquérir de nouvelles connaissances, comme me servir d’un four, d’un pétrin, faire différents pains et viennoiseries. Avoir un rythme pendant ma détention car rester 22h sur 24h en cellule c’est très dur. Créer des liens avec les autres stagiaires et le formateur. Et aussi découvrir ce que c’est de cuisiner et y prendre goût.
Vous vous êtes découvert de nouvelles compétences. Vous n’aviez jamais cuisiné avant ?
Non jamais de ma vie ! Je ne savais même pas faire cuire des pâtes, ni me faire un café ! Chez nous, dans ma communauté, ce sont les femmes qui s’occupent de tout en cuisine.
Ma famille a été surprise quand je lui ai annoncé que ma candidature avait été retenue et que j’intégrai le CAP Boulangerie. Ils ne me croyaient pas ! Lors des parloirs, je leur donne des conseils pour cuisiner. Ils sont contents que j’ai obtenu un diplôme. Mon premier diplôme !
Quand j’ai des UVF avec ma femme, c’est moi qui cuisine et qui fait la vaisselle. Elle n’en revient pas ! Et quand je sortirai de prison, je continuerai à lui faire des petits plats. En attendant, je cuisine en cellule avec mon codétenu.
[UVF : Les Unités de Vie Familiale sont des appartements de 2 ou 3 pièces dans lesquels la personne détenue peut recevoir sa famille et ses proches.]
Quel est votre projet à la sortie ?
Je ne sais pas trop car pour le moment c’est encore la prison…
Mais quand ma vie à l’extérieur aura repris son cours, j’aimerais avoir ma propre boulangerie un jour.
Je pense que tout ce que j’ai appris pendant le CAP va me servir dehors.
Et en sortant je vais vite m’acheter un pétrin pour que ma famille puisse me voir faire du pain !
Que garderez-vous en mémoire de cette formation ?
Ce que je retiendrai c’est vraiment le formateur. Il est super gentil avec tout le monde. Il nous a tous bien aidé. A Noël, il nous a fait faire de la pâtisserie. Cela changeait et nous avons pu manger des gros gâteaux ! C’était vraiment sympa !
Je retiendrai aussi ma note de l’examen pratique : 17.5/20 !
3 mots pour qualifier et résumer cette formation ?
- Physique (C’est quand même bien physique de faire du pain !)
- Lien social (Nous étions un bon groupe.)
- Bien manger (Les petits pains au chocolat me manquent !)
Je la recommande vraiment à tous sans hésitation.
Un message pour les lecteurs de ce témoignage ?
Oui. Ce n’est pas parce qu’on est en prison et qu’on n’est pratiquement jamais allé à l’école qu’on ne peut pas réussir à suivre une formation et à obtenir un diplôme.
Et vous avez rempli vos objectifs à 100%. Non seulement vous avez validé le CAP et en plus vous avez fini major de promo avec une mention bien ! Un grand bravo pour ce beau parcours!
Merci
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