Pan désormais incontournable de l’éducation des jeunes et adolescentes, l’éducation au numérique, aux médias et aux réseaux sociaux était au cœur de la dernière convention professionnelle du réseau ados-jeunesse de Léo Lagrange Animation, organisée les 26 et 27 juin à la Maison Pour Tous du Petit Charran, à Valence (26). Ils et elles étaient plus de 100 professionnel.les de l’animation, services civiques, expert.es et partenaires à se donner rendez-vous pour deux journées d’échange et d’ateliers immersifs. Au programme : table ronde, multiples ateliers et découvertes de nouveaux outils !
Croiser les regards et s’enrichir d’expertises extérieures
Chaque année, le pôle Ados-Jeunesse organise sa convention professionnelle afin de croiser les regards, valoriser les ressources et les richesses du collectif, et favoriser la collaboration avec des intervenants extérieurs, comme le souligne Françoise Faes, administratrice nationale Léo Lagrange Animation, en ouverture de la première journée. « Il est important que l’on puisse accompagner nos publics pour apprivoiser ces nouvelles technologies et nouveaux outils qui font partie de notre quotidien, sans les diaboliser. »
C’est en effet la thématique « Médias, IA et Réseaux sociaux » qui a été plébiscitée par le réseau des professionnel.les en amont de la convention. Motivant le choix de cette thématique : un besoin d’outils et de partage d’expériences :
En cause : des sujets quotidiens, omniprésents dans leurs relations aux jeunes publics, entre fascination et inquiétude.
« C’est un sujet fil rouge, mais on n’a pas forcément le regard de nos métiers dessus. Donc le fait de voir comment nos collègues s’y confrontent, et les leviers dont on peut disposer, ça va nous aider à créer ou intégrer des outils, prévenir les risques… » – Antoine Racki, responsable de l’Alphaléo la Grange à Projets à Dijon.
« C’est au cœur des pratiques des publics qu’on accueille. Beaucoup de jeunes me disent « Chat GPT c’est mon meilleur ami » etc. et pour autant ils se questionnent réellement ! Ça nous permet de mieux connaître le fond du sujet et d’aborder des problématiques un peu plus pointues, utiles sur des temps de débat avec les jeunes par exemple. C’est important de se réancrer dans des faits, du factuel. » – Lucas Barillier, accompagnateur de projets jeunesse à Nantes.
S’outiller au contact d’expert.es…
Pour accompagner la montée en compétences collective des professionnel.les du réseau sur le sujet des IA et des réseaux sociaux, rien de tel qu’une table ronde conviant des organismes spécialisés dans l’éducation au numérique et des expert.es du sujet. La convention a accueilli dans un premier temps une « Agora des savoirs », conviant au micro de cette plénière :
- Dorie Bruyas, directrice de l’association Fréquence écoles, dont l’objet est d’accompagner l’émancipation des enfants, des adolescent.es et de leurs parents par la production de ressources ouvertes, la formation de professionnel.les de l’éducation, et le développement d’alliances éducatives.
- Xavier Delporte, directeur des relations avec les publics de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés)
- Bastien Masse, délégué général de l’association Class’Code, et coordinateur de la chaire UNESCO RELIA à l’Université de Nantes.
Les intervenant.es ont pu successivement aborder les enjeux de l’intelligence artificielle à travers le prisme de leurs métiers et organisations. Tous s’accordent sur un point : les IA sont multiples et il convient de comprendre leurs systèmes, leur architecture.
Bastien Masse a proposé un exposé portant sur les enjeux et questionnements liés à la démocratisation de l’IA générative dans l’éducation. Quels dangers pour l’éducation à la pensée critique et à l’autonomie numérique ? L’IA peut-elle remplacer les enseignants et éducateurs ? D’après Bastien Masse, oui, seulement si on envisage l’éducation de demain comme un « glissement vers l’Homme-Machine ».
« Quand on utilise une IA générative, on est confronté à la maîtrise du langage, et la maîtrise du sujet. Pour les jeunes, c’est ça qui est difficile, le niveau de langage de ChatGPT est par exemple largement supérieur au niveau d’un collégien. L’écart du niveau de langage est l’une des principales problématiques de l’utilisation des IA génératives de texte : ce sont des outils puissants mais si on ne maîtrise pas la langue, on ne peut pas les utiliser correctement. »
Xavier Delporte a quant à lui abordé le sujet de l’éducation à la citoyenneté numérique. « Elle concerne tout le monde. Elle a vocation à donner des compétences qui vont permettre d’avoir une citoyenneté active par la société numérique, et par là de pouvoir défendre ses droits. » Aux côtés du Ministère de l’éducation nationale, de l’ARCOM et du CLEMI (Centre de liaison sur l’éducation aux médias et à l’information), la CNIL a travaillé à l’élaboration d’une « Charte pour l’éducation à la culture et à la citoyenneté numériques », dont le format flyer était d’ailleurs remis aux professionnel.les Léo Lagrange lors de la convention. « Notre objectif est de former des citoyens numériques libres et éclairés » explique Xavier Delporte. « On ne travaille pas seuls à la CNIL […] On a besoin de se nourrir des réalités du terrain, en rencontrant des professionnel.les en contact avec les différents publics pour pouvoir prendre de bonnes décisions et produire les bons outils pédagogiques, cibler et adapter les ressources en fonction des âges avant de les partager ! »
Pour finir cette Agora, Dorie Bruyas a basé son intervention sur un constat : « la transformation numérique de notre société accroît les inégalités sociales. » Pour les combattre, la présidente de Fréquence écoles est venue présenter « Les 5 trucs qu’il faut avoir compris sur l’éducation aux médias numériques en 2025 » qui peuvent paraître contre-intuitifs selon elle. Ont ainsi été abordées les problématiques :
- De « l’adhésion des adolescents » aux images violentes ou sexuelles (via l’étude « Le travail émotionnel des adolescents face au web affectif » de Sophie Jehel) ;
- des pratiques genrées du numérique entre les filles et les garçons ;
- la parentalité numérique ;
- les discours hygiénistes (réactionnaires) dans l’éducation numérique : le discours de la peur est contre-productif dans l’éducation numérique !
Des interventions très appréciées par le réseau ados-jeunesse qui y trouve bien des clés de compréhension, comme l’explique Tara Nugent, accompagnatrice de projets jeunesse au Corner de Feyzin (69) :
« Si on est dans le rejet ou qu’on déclare que les réseaux sociaux, l’IA, ou tout cela ne nous intéresse pas, on passe à côté de toute une partie du quotidien des jeunes. C’est important de se questionner à ce sujet pour mieux comprendre leurs pratiques et les accompagner, participer à leur conscientisation sur ces sujets. »
… et de ses pairs ! Des ateliers et temps d’échanges précieux
Au cœur de cette convention professionnelle : des déambulations entre différents ateliers :
- un « FabLab : les communautés du faire » pensé pour présenter des outils et des pratiques créés ou mobilisés par les professionnel.les du réseau Léo Lagrange en lien avec la thématique « Médias, IA et réseaux sociaux », avec par exemple Virtual Pro, l’outil de réalité virtuelle développé par Léo Lagrange Formation pour faire s’immerger de jeunes stagiaires dans des environnements de travail, ou encore la Box Numérique implantée au sein de la Maison pour Tous du Petit Charran. Des outils pédagogiques comme Purple Town pour lutter contre les addictions ou le programme Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM) présenté par une professionnelle de santé de la ville de Valence. Un plateau radio pensé également pour de l’échange et du débat autour d’expériences vécues ou de ressentis !
A l’issue du FabLab : de nouveaux outils et des expériences à s’approprier pour enrichir ses pratiques éducatives !
- Les Ateliers du réel : grâce à 6 ateliers, les professionnel.les répartis en petits groupes poursuivent leurs partages d’expérience et leurs renforcements de compétences collectives au contact de leurs collègues animateur.rices, ou d’autres associations présentes. A titre d’exemple, Lisa Le Calvez de l’association Latitudes a animé un atelier basé sur un outil ludique destiné aux jeunes : « Future of IA » qui explore les différentes facettes de l’intelligence artificielle dans le monde professionnel : comment l’IA peut aider à répondre à des problématiques sociétales ? Différents escapes games ont également été testés (et approuvés) par le réseau ados-jeunesse, avec chacun une thématique différente, mais tous étaient pensés et mis en place par des professionnels des Pôles engagements Léo Lagrange ou Pôle Citoyenneté Numérique !
Margaux Jumas, responsable du secteur adolescence à Saint-Didier-au-Mont-d’Or s’enthousiasme : « L’escape game Hacking, c’est quelque chose que je pourrais complètement exporter tel quel sur mon site, parce que ça allie le ludique de la manipulation au pédagogique de l’éducation numérique ! »
Du plaidoyer jeunesse à notre prochain projet éducatif
La dernière partie de la convention s’est axée autour de l’Atelier des volontés. Il consiste en la présentation et la célébration de quelques projets emblématiques de l’engagement du réseau ados-jeunesses sur la thématique de l’éducation au numérique, servant de base à la réflexion autour du prochain projet éducatif de la Fédération Léo Lagrange.
De la mise en place d’un projet trans-sites de radio portant sur le sport féminin (Radio Léo au festival Longueur d’Ondes) à la création par des jeunes marseillais d’une Box Escape Game autonome, en passant par Nantes et le magazine féministe Des Mots d’Elles, ces pépites Léo sont de bons socles de réflexion pour les professionnel.les. Elles permettent d’intégrer pleinement l’idée d’un numérique dans notre prochain projet éducatif. En petits groupes, le réseau a ainsi alimenté la réflexion collective autour de quatre thématiques :
- Un numérique en commun – pour une culture du débat démocratique en ligne
- Un numérique citoyen et engagé – pour une culture de l’esprit critique
- Un numérique déconnecté – pour une culture de la déconnexion et du prendre soin
- Un numérique choisi – pour une culture du choix et des compétences individuelles et partagées.
A partir des pépites présentées, chacune étant reliée à l’une des thématiques ci-dessus, les groupes se sont questionnés sur le Pourquoi (le sens d’un engagement de la fédération vers cette thématique), le Comment (quels moyens mobilisés, comment y parvenir et le faire vivre), et l’Impact que cet engagement peut susciter sur les publics.
Des échanges toujours plus constructifs et annonciateurs d’un grand travail collaboratif pour construire ensemble notre prochain projet éducatif !
Au terme de ces deux journées de convention, la centaine de participant.es repart avec des idées plein la tête, les batteries rechargées par la rencontre avec d’anciens et de nouveaux membres du réseau des animateur.rices ados-jeunesses, et experts, et l’envie de se retrouver pour continuer à construire ensemble !