En mars dernier, nous avons rencontré Pauline Langlois, adjointe à la maire de Nantes, déléguée à la jeunesse et à l’adolescence et élue métropolitaine. À Nantes, Léo Lagrange Animation gère deux des pépinières d’initiatives jeunesse de la ville (le TriptiC, et l’EclectiC), labellisées Alphaléo, ainsi que le dispositif Plan Job. Pauline Langlois revient dans cette interview sur les grandes orientations de la ville en matière de politique publique jeunesse et l’importance du dialogue avec les jeunes pour construire une ville plus inclusive, plus proche, et pleine de possibles.
Vous êtes en charge de la jeunesse à Nantes. Quelle vision porte la Ville en matière de politique jeunesse ?
À Nantes, on considère les jeunesses dans leur diversité, de 11 à 25 ans. Notre objectif est clair : accompagner les jeunes vers l’émancipation et l’autonomie. Pour cela, nous avons construit notre politique autour de quatre grands axes, en co-construction avec les associations, les fédérations d’éducation populaire, les institutions… et bien sûr les jeunes.
Le premier, c’est l’accès aux droits. Cela passe par l’« aller-vers » par les pairs, les pépinières jeunesse, tout ce qui permet aux jeunes de connaître et faire valoir leurs droits.
Ensuite, il y a le travail en réseau avec les acteurs associatifs. On mise beaucoup sur l’échange de pratiques entre les professionnels, les associations de quartier… pour toucher un maximum de jeunes.
Troisième axe, c’est être porte-voix des jeunes : leur donner les moyens de s’exprimer, de s’engager, comme avec le Festival SPOT, en partenariat avec Léo Lagrange Animation via le TriptiC et l’EclectiC. C’est un espace de révélation, pas seulement artistique, mais aussi citoyenne.
Enfin, il y a l’accès à la mobilité. Le dispositif Top Départ dont Léo Lagrange fait partie, DiscoverEU, sont des exemples concrets d’initiatives qui ouvrent des perspectives.
Les pépinières jeunesse jouent un rôle central dans cette politique. Quels défis rencontrent-elles aujourd’hui ?
La santé mentale est un enjeu majeur, renforcé par la crise sanitaire. Les pépinières ne sont pas seules, elles peuvent s’appuyer sur des partenaires comme la Maison des adolescents. Il y a aussi des enjeux économiques pour les jeunes : comment gérer un budget, trouver un logement… Et puis bien sûr, des enjeux d’orientation, de parcours de vie. Il faut que les jeunes sachent qu’ils ont le droit à l’erreur, tout au long de la vie. Les pépinières sont là pour les accompagner dans cette adaptabilité, pour qu’ils puissent aller vers leurs objectifs.
Quelle est, selon vous, leur spécificité dans l’accompagnement des jeunes ?
Ce qui fait la force des pépinières, c’est leur capacité à faire émerger des projets, parfois inattendus. Un jeune peut arriver avec une idée, en repartir avec dix. L’accompagnement peut être rapide ou s’étendre sur plusieurs mois, voire des années. Il est toujours individualisé.
Dans le cas de Plan Job [dispositif d’insertion socio-professionnel], on parle d’un premier emploi, souvent dans le service public ou associatif, qui permet de découvrir d’autres univers et de s’engager. C’est très divers et très riche pour pouvoir aller plus loin dans son engagement citoyen mais aussi son parcours professionnel et personnel.
Comment la ville travaille-t-elle en complémentarité avec les acteurs associatifs comme Léo Lagrange ?
Les pépinières sont partenaires de dispositifs comme le CLAP (Commission locale d’aide aux projets). Elles y siègent en tant que jurys, dix par an, mais elles accompagnent aussi les jeunes en amont : elles sont riches de conseils pour eux avant qu’ils présentent leur dossier.
Sur SPOT, leur rôle est crucial : elles aident les jeunes à prendre confiance, à présenter au mieux leur engagement. Et au quotidien, elles sont des relais essentiels pour faire remonter les préoccupations de terrain.
C’est ce « dialogue à la Nantaise » (en référence au jeu du FC Nantes) qui est très riche, très particulier et surtout sans tabou, qui permet à chacune et chacun de travailler, d’échanger pour accompagner au mieux le jeune vers cette émancipation et cette autonomie.
Quels axes d’amélioration identifiez-vous pour renforcer l’action des pépinières ?
On doit aller plus loin sur l’emploi et l’insertion, notamment via les stages : ce sont des sujets que l’on travaille en permanence mais sur lesquels il faut sans cesse se renouveler. Il faut aussi toucher les publics plus éloignés, qui peuvent être en défiance vis-à-vis des institutions et des associations. Avec Léo Lagrange, on se questionne beaucoup là-dessus.
Et puis, il faut savoir se remettre en question : les jeunesses changent, elles s’émancipent de leurs aînés – tant mieux ! – à nous de faire un pas de côté pour mieux les accompagner.
La ville prévoit-elle de développer ces dispositifs dans les années à venir ?
Oui, on veut poursuivre le maillage territorial. On parle beaucoup de « ville du quart d’heure » : dans un monde idéal, j’aimerais que chaque jeune trouve une pépinière jeunesse dans son quartier, pour un accompagnement de proximité. Rien ne remplace le lien humain.
Pensez-vous que le modèle Léo Lagrange peut inspirer d’autres villes ?
Oui bien-sûr ! La force de Léo Lagrange est aussi de créer du lien, un maillage territorial et de s’adapter aux politiques publiques tout en les renforçant. Pour moi tout est une question de dialogues, d’échanges et de co-construction.
Comment favoriser davantage l’implication des jeunes dans les politiques publiques ?
Je dirais qu’il y a plusieurs approches possibles. Je crois à des formats courts et thématiques. Les conseils de jeunes traditionnels attirent souvent les mêmes profils. Il faut créer de la mixité sociale, travailler sur une thématique précise, choisie par les jeunes, pendant six mois ou un an, et surtout s’assurer que ça débouche sur quelque chose de concret. Avec les jeunes explorateurs, les services civiques, on expérimente cela. Et surtout, il faut que leurs propositions soient entendues, relayées.
Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes Nantais ?
Nantes, c’est la ville des possibles. Certaines portes ne sont pas faciles à pousser la première fois, mais nos pépinières jeunesse, nos maisons de quartier, nos centres socioculturels sont les meilleurs relais et accompagnateurs que l’on puisse avoir pour déboucher sur n’importe quel projet professionnel ou personnel. Il faut oser s’engager – que ce soit dans le sport, la culture, l’associatif – pour construire ensemble la ville de demain.