Transmettre les méthodes pédagogiques et les principes d’action de l’éducation populaire est au cœur du programme déployé par la Fédération Léo Lagrange au Kurdistan irakien depuis 2019, en partenariat avec la Fondation Danielle Mitterrand et l’association locale irakienne Public aid organization. La convention 2022-2025 prévoit une nouvelle action : former le personnel pénitentiaire kurde à l’utilisation des méthodes et outils de l’éducation populaire dans leur pratique quotidienne. Pour cela, du 8 au 12 mars derniers, 5 professionnelles Léo Lagrange se sont mobilisées pour former leurs partenaires locaux.
Pour transmettre de bonnes pratiques professionnelles et méthodes pédagogiques, rien de mieux que la rencontre et le partage d’expériences ! A plusieurs reprises déjà, des professionnel.les Léo avaient accompagné l’équipe de l’international au Kurdistan irakien, afin de partager avec les partenaires locaux leurs savoir-faire et de s’inspirer également des expertises locales.
En mars 2023, Elora Hervé, responsable des programmes internationaux et Victoria Hayotte, chargée de mission internationale, ont accueilli à Erbil leurs collègues Léo pour l’animation d’une semaine de formation :
- Adeline Mathieux, coordinatrice culturelle à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (91),
- Delphine Desgré, responsable développement Nouvelle Aquitaine pour l’Union nationale sportive Léo Lagrange (UNSLL),
- Sandra Siniscalchi, responsable pédagogique chez PREFACE, institut de formation Léo Lagrange, a participé en visioconférence.
Mettre en pratique les méthodes de l’éducation populaire
Les objectifs de cette formation : apprendre à utiliser les outils de l’éducation populaire au service de la réinsertion socioprofessionnelle des détenu.es, mais aussi pour améliorer leur bien-être et renforcer leur estime de soi. Elora précise : « Nous avons présenté plusieurs outils d’animation et de construction de projet. Nous avons rappelé l’importance de bien identifier en amont les besoins du public pour ensuite définir les objectifs pédagogiques et les actions à mettre en œuvre. Ne pas faire du sport juste pour faire du sport, mais bien avec un objectif pédagogique en vue de la réinsertion. »
Elora, Victoria, Adeline, Delphine et Sandra ont préparé cette formation avec Awara Jalal de l’association Public Aid Organization (PAO) et Ranj Abdalqadir de l’association Kurdistan save the Children. Au programme : présentation de l’éducation populaire, évaluation des attentes, besoins et inquiétudes des participants, apports de connaissance en matière de gestion de projet et surtout échanges de pratiques entre participants et formateur.rices sur leurs projets en milieu carcéral.
Echanger sur les pratiques professionnelles et s’approprier la gestion de projet
Sandra tenait à montrer en quoi la formation professionnelle et l’accompagnement sur un projet d’insertion vont rendre actrices les personnes détenu.es et contribuer à un meilleur relationnel avec le personnel pénitentiaire. La formatrice détaille : « j’ai présenté plusieurs formations certifiantes que nous dispensons, dont le titre professionnel de cuisinier. J’ai insisté sur les outils pédagogiques ludiques et les méthodes actives que nous utilisons. J’ai parlé aussi de la valorisation des résultats pour encourager les stagiaires et l’évaluation avec la remise d’une attestation de compétences pour montrer le chemin parcouru par l’apprenant »
Avant le poste qu’elle occupe actuellement à l’UNSLL, Delphine a travaillé pendant 10 ans comme coordinatrice sportive en milieu carcéral en Île-de-France. Parmi les projets qu’elle a menés, la professionnelle a évoqué les sorties extérieures, afin de montrer l’étendue des possibles : « il y a quelques années, en partenariat avec l’Education Nationale, nous étions partis à Caen avec 3 détenus pour courir un marathon et visiter le musée sur la deuxième guerre mondiale. Je voulais transmettre pendant cette formation que le sport est un outil au service d’un objectif pédagogique plus large. C’est l’objectif qui est le plus important. »
Adeline a présenté en détail une action cirque menée en lien avec le pôle sportif du centre pénitentiaire : « je voulais illustrer le mode projet : d’abord l’identification des besoins des personnes détenues puis les objectifs. Nous avions détecté que des détenues étaient isolées et elles avaient un rapport au corps très enfermant. Nous nous sommes demandés comment le déconstruire et leur redonner confiance en elles grâce à une action culturelle et sportive. »
Awara, formateur chez PAO, a également bénéficié de ces échanges de pratiques : « j’ai découvert comment utiliser le sport pour intégrer les détenus dans les activités et leur faire oublier quelques instants qu’ils sont en prison. Nous pouvons utiliser le sport et la culture pour travailler sur leur parcours ou pour régler une problématique de stress ressentie par un détenu par exemple. »
Développer les savoir-faire et expériences des collègues Léo
Adeline, Delphine et Sandra ont aussi appris, découvert et été surprises pendant cette semaine de formation ! Sandra a été étonnée de la place donnée aux activités culturelles et notamment la musique, en milieu carcéral au Kurdistan. Quant à Delphine, c’est le niveau d’appropriation des méthodes de l’éducation populaire par Awara et Ranj qui l’a étonnée, ainsi que la diversité des participants : « parmi les 15 professionnels kurdes nous avions des travailleurs sociaux, des professeurs de kurde, d’histoire, d’anglais, de sport, de pratique artistique et de musique. Ils organisent des concerts en prison et un ancien détenu, qui a appris la guitare pendant sa peine, est revenu pour un concert!»
Les professionnelles Léo ont aussi appris de leurs propres pratiques : Adeline a particulièrement apprécié les jeux sportifs collaboratifs : « cette expérience m’a fait découvrir les pratiques de l’éducation populaire de mes collègues ! En milieu carcéral, nous sommes assez isolés, j’ai beaucoup appris sur les autres métiers et savoir-faire Léo ! »
Sandra confirme que la transversalité fait la richesse de nos projets : « mélanger sport, culture et formation, ça fonctionne vraiment bien ! Nous devrions le faire plus souvent en France ! »
Poursuite de l’accompagnement par Ranj et Awara
Energizer, jeux collaboboratifs, méthodes de gestion de projet : les participants à la formation vont devoir mettre en œuvre tout ce qu’ils ont appris ! Ils poursuivent le travail de construction de projets qu’ils ont commencé à esquisser pendant la formation, tout en étant accompagnés par nos partenaires et formateurs kurdes : « nous organiserons des réunions à distance pour évaluer leurs projets : ils doivent inclure des objectifs pédagogiques et les méthodes de l’éducation populaire. Nous pourrons alors leur accorder une subvention de 1300 dollars par projet. Ils doivent les réaliser entre septembre et décembre prochain », précise Elora.
Les méthodes de pédagogie active de l’éducation populaire se trouvaient au cœur de cette semaine de formation : rien de tel pour s’approprier de nouveaux outils pédagogiques que de les vivre en tant que participant !
Rendez-vous en 2024 pour la deuxième session de formation pour les professionnel.les en milieu carcéral au Kurdistan.
Pour garder le contact :
Elora Hervé
Responsable des programmes internationaux
elora.herve@leolagrange.org
Victoria Hayotte
Chargée de mission internationale
victoria.hayotte@leolagrange.org
Adeline Mathieux
Coordinatrice culturelle en milieu carcéral
adeline.mathieux@externes.justice.fr
Sandra Siniscalchi
Responsable pédagogique chez PREFACE
sandra.siniscalchi@prefacell.fr
Delphine Desgré
Responsable développement Nouvelle-Aquitaine UNSLL
delphine.desgre@leolagrange.org