Dans les quartiers prioritaires de Marseille (13), les plates-formes de services publics animées par Léo Lagrange Animation et ses partenaires agissent au quotidien pour accompagner les habitant·es dans leurs démarches administratives et favoriser leur accès aux droits. Retour sur l’origine de ces structures, leurs missions et la dynamique de réseau qui les porte aujourd’hui.
Des structures nées d’un constat d’inégalité
L’idée de créer des relais de services publics à destination des habitant·es des quartiers populaires émerge dans les années 90. Un rapport parlementaire de 1991 pointait alors une double problématique : un éloignement des services publics des territoires en difficulté et une complexité croissante des démarches administratives, particulièrement pour les personnes les plus vulnérables.
Elsa Truze, responsable de deux plates-formes de services publics gérées par Léo Lagrange Animation (LLA) à Marseille, précise : « dans les quartiers de la politique de la ville, les personnes connaissent des situations sociales dégradées, rencontrent parfois des difficultés avec l’écrit et l’usage du numérique, et pourtant sont éligibles à diverses aides et dispositifs sociaux. Nous devons donc les aider à faire valoir ces droits ! »
C’est dans ce contexte que les premières plates-formes de services publics voient le jour à Marseille au début des années 2000, à l’initiative du sous-préfet à la ville. L’État fait alors appel à des fédérations d’éducation populaire fortement implantées sur ces territoires, dont la Fédération Léo Lagrange qui ouvre une première plate-forme dans le 14è arrondissement.
Un rôle de proximité essentiel pour l’accès aux droits
Dès leur création, ces plateformes ont été pensées comme des lieux d’accueil, d’écoute, d’accompagnement et d’orientation. L’idée : offrir un appui concret et humain à celles et ceux qui rencontrent des difficultés dans l’accès à leurs droits sociaux en les aidant à réaliser les démarches administratives.
L’accueil est gratuit, sans rendez-vous, anonyme, et assuré par des médiateurs sociaux. Les équipes prennent le temps de comprendre les situations individuelles, de poser un diagnostic, de donner une information fiable et d’accompagner les démarches ou d’orienter vers les bons interlocuteurs, notamment pour les questions juridiques ou les demandes de titre de séjour.
Avec les années, les structures ont professionnalisé leurs pratiques, étoffé leurs équipes et consolidé leur action. Aujourd’hui, la plate-forme du Panier, gérée par Elsa et son équipe, est la plus fréquentée de Marseille et l’équipe LLA organise également des permanences dans les centres sociaux des quartiers de la Belle-de-Mai et de Saint-Mauront.
Des partenariats avec les services publics et les associations pour répondre au mieux aux usagers·ères
Au fil du temps, les plates-formes ont noué des partenariats essentiels avec la CAF, la CPAM, la CARSAT, France Travail, les bailleurs sociaux… mais aussi avec des associations spécialisées, comme le Centre d’information des femmes et des familles (CIDFF) ou des juristes spécialisés en droit des étrangers. Ces coopérations permettent de répondre à la diversité des besoins, souvent imbriqués : logement, santé, garde d’enfants, ressources… Elsa complète : « Nous avons ressenti le besoin de nous outiller en partenariat car les personnes nous sollicitaient pour toutes problématiques sociales, de la vie quotidienne, comme les modes de garde, juridiques, comme les renouvellements de titre de séjour. »
Les plates-formes de services publics de LLA ont obtenu le label France Services en 2020.
En parallèle, des projets complémentaires sont venus enrichir l’offre, comme le Point Conseil Budget, labellisé depuis 2020, pour accompagner les situations de malendettement , surendettement, ou encore la préfiguration d’une épicerie solidaire dans le 14e, en lien avec les réalités du territoire.
Une dynamique de réseau pour agir ensemble
Dès 2009, les structures se rapprochent pour créer un réseau local des plates-formes de services publics. Objectif : partager les outils, mutualiser les constats de terrain, et surtout gagner en visibilité auprès des institutions. Ce collectif débouche sur des conventions formalisées avec les organismes partenaires, qui renforcent la reconnaissance du travail mené et permettent une coopération plus efficace.
Aujourd’hui, le réseau PARADS (Point d’Accueil en Réseau pour l’Accès aux Droits Sociaux) regroupe 6 associations. « Nous nous réunissons une fois par mois, pour de l’échange de pratiques mais aussi pour penser et développer des outils communs, former les équipes. Nous interpellons aussi régulièrement les pouvoirs publics sur les enjeux de fonctionnement et de financement de nos structures » abonde la professionnelle.
Des guichets ouverts face à la dématérialisation
Alors que la dématérialisation des démarches s’est accélérée, notamment depuis la crise sanitaire, les plates-formes restent un rempart précieux contre les exclusions numériques. De nombreuses personnes, déjà en difficulté, se sont retrouvées encore plus isolées face aux formalités à effectuer en ligne.
Dans ce contexte, les plates-formes ont maintenu leur accueil en présentiel, et collaboré étroitement avec le Défenseur des droits, notamment sur les rapports de 2019 et 2022 qui appellent à maintenir des alternatives papier et des accueils physiques pour tous les usagers·ères.
Une ambition partagée : garantir l’effectivité des droits
Depuis plus de 20 ans, les plates-formes de services publics à Marseille revêtent une forte utilité sociale en permettant à des milliers de personnes de solliciter ou de maintenir des aides sociales ou de trouver les bons interlocuteurs pour les conseiller. Leur ancrage territorial, leur écoute attentive et leur capacité d’adaptation en font un maillon indispensable de la chaîne d’accès aux droits.
Grâce à l’engagement des équipes, à la force du réseau PARADS et aux coopérations locales, ces lieux continuent d’évoluer au plus près des réalités de terrain. Leur action dans les quartiers de la politique de la ville contribue à lutter contre les inégalités et à faire vivre la justice sociale.
Elsa Truze a démarré en 2000 comme salariée Léo au centre social du Panier et a la responsabilité de 2 plateformes de services publics depuis 2003 : « je travaillais au centre social lorsque j’ai postulé à la plate-forme de services publics. J’ai compris tout de suite son utilité sociale. C’est un laboratoire incroyable pour expérimenter, créer des outils, recueillir les besoins des habitants. Je suis très attachée à notre système de protection et d’aide sociale. Et je ne me suis jamais ennuyée sur mon poste ! »